ACTE I - LE CRASH (SUD)

y a deux secondes, il avait sa switch entre les mains. les yeux rivés sur cet écran addictif, le son si fort qu'il n'entendit le ''bip'' pour rattacher sa ceinture. il allait battre son record. plus qu'un saut. un dernier saut et il ne se serait pas fait prier pour gueuler son exploit. mais l'autre là, cette dame de l'air vient lui tapoter l'épaule, le déconcentra, le fit rater son saut, le score qui repartait de zéro. pour une ceinture. une foutue ceinture. le gosse râla. il râla. il râla si fort, que le pilote dû l'entendre et parvient la première secousse. il retira son casque, le laissant pendre autour de son cou. "it's nothing. it happens all the time." suivit d'un sourire nerveux de miss je-pète-les-records-de-tous-le-monde. il allait faire une réflexion, comme à son habitude, son cerveau d'enfant programmé pour répondre à toutes sortes de phrase. mais voilà la seconde secousse. puis la troisième. finalement rejoint par la quatrième. et quelques cris inconscient de passager. la cinquième. sixième? septième? son regard s'agita, ses mains devinrent moites, il pensa au pire (comme la majorité des occupants de cet avion). il s'accrocha à sa console le plus fort possible. spectateur en fin de vie. il abandonna le film lorsque l'avion se fendit en deux.

ses oreilles sifflent, embourbées par des cris. des bruits qui ressemblent à des pleurent. des choses qui ressemblent à des bruits de vagues. ça pue le cramé. ça pue l'odeur de la sueur. ça pue la fin. il voit plus rien. le noir complet. il ressent plus rien. c'est ça les enfers? il se rendit compte de sa stupidité lorsqu'il ouvrit un œil. puis un autre. et de suite, l'envie de les refermer et se faire passer pour mort. du sang. des doigts qui traînent à droite, à gauche des sacs flottants, en face de l'eau, derrière- merde. de l'eau. un tour dans le cerveau pour comprendre qu'il panique. ses yeux s'agitent. son souffle s'épuise. les pieds dans l'eau, l'eau montant jusqu'à la taille. ernest se retient de chialer, beaucoup le font déjà, il trouve ça stupide de rajouter ses reniflements par dessus le brouhaha. il veut s'éloigner de ce liquide le plus vite possible, retenu par sa ceinture. il jure. il râle. il marmonne. il s'extasie sur le monde dont il haïs le présent. nombreuses furent les vaines tentatives, avant qu'il n'arrive à retirer cette ceinture. libéré de cet enfer, il cherche pas. il réfléchit pas. il trouve même pas. il comprend pas. quoi faire dans cette situation. comment faire. qui appeler. il commence à oublier le besoin utile de chialer. ses fonctions l'abandonnent, sauf son instinct de survie. il prend le dessus. premier réflexe, retrouver sa switch. et son sac. il se maintient debout sur les accoudoirs de son siège pour ouvrir les cabines, enfile son sac à dos, cherche désespérément sa console. console désormais prince des abysses du pacifique. abandonner son bien matériel le plus cher. ça lui pince le cœur. seule douleur qui arrive à grimper jusqu'à son cerveau. douleur qui se glisse, qui s'infiltre, qui ne vient pas si seul que ça. accompagné de ses derniers copains. le premier traumatisme, le deuxième maux à trente endroits différents, le troisième et dernier, la peur soudaine de crever, avalé par les vagues et le monde qui l'habite. c'est ainsi qu'il comprit que pour sortir vivant d'là, lui fallait un gilet de sauvetage (principalement de l'aide, mais son instinct de survie resta bloqué sur sa personne, rien d'autre ni personne, égoïste à l'état pur). il applaudit les ingénieurs de cet avion, pour avoir foutu les gilets de sauvetages sous le siège. siège bien avalé par l'eau. l'énervement qui frétille sur son front, première ride à quatorze ans qui s'accélère. qui s'accroche à son humeur démentielle. c'est mort, qu'il s'dit. c'est mort. il touchera jamais à cette eau. plutôt mourir noyé que de vivre le pantalon mouillé. résolution qu'il commence à perdre. en voyant les corps. flotter. ou couler. voir ces visages éteints. épée de damoclès au dessus de sa tête, c'est soit mourir soit chialer jusqu'à la fin de ses jours. en voyant un mec (adulte, dans un langage inconnu chez l'penrose) à moitié nu rentrer dans la cabine des futurs survivants (ou mort)[quel pessimisme]-il s'étonne lui-même-, son idée se renforce. il préfère mourir noyé que mettre la tête sous l'eau. faut dire, qu'il ne lui reste plus que son instinct de survie. pas même l'intelligence. l'intelligence de ce dire que tout revient au même. va falloir y passer. un pied, puis l'autre, dans l'eau. il angoisse. il panique. il y arrivera pas. pas tout seul.

il aurait du baisser les yeux plus tôt. éviter de croiser son regard. siffler et avoir l'air détendu. il aurait du se taper des sudokus au fond de l'avion pour ne pas avoir affaire à ce mec. ce preux chevalier en tenue d'été. lui manquait juste son cheval blanc et une musique torride, sur fond d'enchaînement théâtrale. il lui foutait les jetons. à se déplacer comme un guerrier. avec son regard et son visage tuméfié par une douleur qu'il ne saurait placer. et ernest, qu'est-ce qu'il en avait à foutre à ce moment là. son cerveau, lui, jouait dans un orchestre symphonique. en rythme accordé avec le destin funeste d'un gamin mort noyé. il n'arrivait plus à réfléchir. il n'arrivait plus à rien. paralysé par l'eau qui montait. qui venait chatouiller le bout de ses baskets. ses lèvres bougeaient toutes seules, marmonnant des mots du dictionnaire dont seul son subconscient connaissait la définition. il haïssait toujours autant l'école, mais là, maintenant, qu'est-ce qu'il donnerait pas pour passer une journée entière à résoudre des problèmes mathématiques. son cavalier sauveur vient à se ranger devant lui. de près, il faisait encore plus flipper. pas le genre de type à qui il donnerait sa main, les yeux fermés. il se raisonna. lui-même devait avoir une sale gueule à guetter (on ressemble pas aux couvertures de magazines après un crash d'avion)[à son plus grand désastre]. le chevalier préférence enfant- commença à parler. déblatérer des conneries inutiles. il l'écoutait qu'une fois sur deux. les seuls mots qui tournaient autour de sa cervelle, c'était l'envie de lui crier qu'il sait pas nager. il parlait. parlait. lui proposait des solutions. ernest hochait la tête, mouvement automate en manque d'huile. ses dents claquaient. son corps se mit à trembler. rien que d'entendre le mot gamin sortit de sa bouche, sa colère égoïste fit une montée volcanique. "commence par m'appeler ernest, et oublie le surnom gamin t'veux??" c'était inutile. futile. ça faisait perdre du temps. ça faisait tuer des gens en attendant. il inspira. une fois. deux fois. trois fois. quatre fois avant de prendre en main la tête du brillant sauveur. "je. ne. sais. pas. nager. alors tu vas te baisser, me prendre un gilet de sauvetage. tu vas même me l'enfiler. et après... après, je peux me débrouiller comme un grand." c'est en se mordant la lèvre qu'il crache ses derniers mots. c'est les larmes aux bords des yeux qu'il prononce le mot 'grand'. ça cloche. ça colle pas. il lâche la tête du mec qu'étais juste là pour sauver les plus démunis. le héro qui se retrouve devant un gamin, à peu près en bon état, incapable d'aligner deux brasses à la suite. "j'sais pas si j'vais arriver à mettre la tête dans l'eau. ça m'fait flipper à mort, mec." et il s'accroche à son t-shirt comme à sa propre vie. ernest s'accorde à tourner la tête vers les hublots plus hauts. "je peux les atteindre tout seul ces hublots. toi, ça va aller?" en recherche de bavardage. en recherche d'un peu d'humanité dans ce qui ressemble à un bain de sang. le peu d'humanité et d'intelligence qui lui reste, il s'en sert pour lui offrir un rictus en forme de sourire. y aurait pas plus pour aujourd'hui. sa bonté épuisée.

Elle ne se laisse pas prendre par la panique. Petit à petit, elle en oublie le sable noir. Les gémissements des victimes. La douleur de ses plaies. Son regard émeraude se perd vers l'horizon où la mer semble toucher le ciel. Elle ne doit pas succomber à la peur. Elle n'a pas le droit. Elle marche lentement, comme le ferait un automate déraillé. Des voix lointaines résonnent en écho dans sa tête. De maigres flashs lui reviennent en mémoire... Sa rencontre avec le chamane de la réserve Sioux en Dakota du Nord. Son voyage en jeep au cœur d'une faune sauvage protégée. Son arrivée à l'aéroport pour se rendre au Canada. Son soupir en se rendant compte avoir prit le mauvais avion.

Une main lui attrape le bras. Tout revient.

Les secousses de l'avion. Les masques tombant du plafond. Les cris. L'adolescent à ses côtés qu'elle maintient de son bras afin qu'il ne soit pas aspiré par la carlingue se déchirant sous le bruit des moteurs. La chute violente. Elle cligne les paupières plusieurs fois et se rend compte de l'atrocité de la scène. La réalité lui saute à la gorge. Mais les paroles de l'homme qui lui maintient le bras l'aide à se concentrer. Elle le suit et saisie la main du blessé.

– Ca va aller Monsieur, serrez ma main. S'exclame t-elle. Le pauvre est complétement coincé sous un débris de l'avion. Elle hoche la tête lorsque l'inconnu lui déclare son plan. En attendant qu'il cherche ce qui fera office de levier, l'amérindienne continue de parler à l'homme. Elle n'est pas médecin, mais elle se doute qu'il ne doit pas fermer les yeux. Restez avec moi, ne fermez pas les yeux. Lorsque l'homme revient à ses côtés avec une barre de fer. Okay ! Lui répond t-elle en saisissant les deux mains du blessé. Dès qu'il finit son décompte, la jeune femme se met alors à tirer de toutes ses forces, réussissant à le traîner non sans douleur hors du débris. Ca y est ! S'exclame t-elle essoufflée.

(@Caleb Austen)

« Our dead drink the sea... »

Des échos lointains d’euphorie alcoolisée. Noyer l’ennui dans le liquide ambré espérant ainsi avaler les heures qui te séparent de la bienheureuse terre. L’habitude des vols longues distances, des trajets qui s’éternisent et des voyages improvisés ne s’impriment jamais réellement, y’a le poils qui se hisse au décollage, le cœur dans les talons et la tête à l’envers, t’as enfilé les verres faisant glisser les cocktails pour éteindre le stress. L’adrénaline ou la léthargie, jouant quitte ou double t’as attendu Hypnos et son comparse tes ongles griffant les accoudoirs à chaque plaisanterie douteuse de ton voisin de siège. Connard bodybuildé vantant sa retraite sportive en nouvelle-zélande pendant toute la première demi-heure, cherchant à t’impressionner de ses expériences caduques la seconde. T’as eu besoin que d’un regard sur son allure, l’oreille fumant ses confidences exaltées à mesure que ton talon marque la cadence de ta lassitude, un regard et t’as su qu’il ne rentrait pas dans tes standings de victime. Tant mieux pour lui. Ainsi ta patience s’effrite malgré le vin qui revitalise la gueule, le rictus hypocrite laisse place aux soupirs peu subtiles et tu cherches refuge dans les toilettes. Prémices des turbulences à venir le miroir te malmène dégradant ton reflet que tu ne parviens pas à ignorer, plus tellement sûr d’être sur le bon vol, Melbourne et ses plages de sable fin te faisaient encore de l’œil la vieille au soir, aujourd’hui c’est Londres pluvieuse qui te manque. Tu t’offres un sursit te conseillant de prendre une décision à tête reposée. Le problème c'est que ta tête n'est jamais reposée. Ton cerveau est une maison de campagne pour démons. Ils y viennent souvent et de plus en plus nombreux. Ils se font des apéros à la liqueur de tes angoisses. Toc-Toc. Une fois. Ça résonne tu ignores. Ça insiste et tambourine. L’hôtesse qui te prie de rejoindre ton siège au plus vite Damn it woman it’s just turbulence no big deal. Toc-toc. Ça reprend de plus belle, t’ouvres la porte un haussement de sourcil accompagnant l’irritation perçant ta voix « What’s going on ? » pour seule réponse une violente secousse projette le chariot de nourriture droit sur vous, reculant à l’intérieur des WC tu manques de te faire aplatir contre la paroi. Tu ne le vois pas venir, ton souffle se couper, la peur t’envahir, le temps te manquer... tu ne le vois pas venir, tes mains cherchant refuge auprès de n’importe quel appui, ta gorge se nouer, l’avion perdre de l’altitude.. tu ne le vois pas venir, rejoignant ton siège presque en rampant, panique dans l’habitable les masques à oxygène tombent les uns derrière les autres, l’alarme signalant d’accrocher sa ceinture clignote, un rouge vif qui s’imprime et te crame la rétine. Tu ne le vois pas venir.. tu ne vois pas. Tu ne vois rien.


Reprise de connaissance lente. Humidité ambiante, hurlements désespérés en fond sonore. Les paupières lourdes se soulèvent avec difficulté, presque ankylosées et déjà horrifiées du spectacle à venir. Les mouvements incertains t’as la tête qui pèse des tonnes, cette désagréable odeur qui te prend au cœur, tes narines se rétractent instinctivement cherchant à déceler l’origine de la puanteur, chaires calcinées et ses relents de putréfaction. Ton visage soudain nez à nez avec l’importun qu’encore plus tôt tu rêvais de voir disparaître, ou plutôt ce qu’il reste de lui, ses traits broyés par un morceau de carcasse tu restes figée face à son œil droit qui se détache de sa membrane.. Doucement.. Si doucement que tu peux l’observer sous toutes ses coutures sortir de son orbite pour finir par se sectionner et tomber sur ta cuisse. Aussitôt tu lâches un cri de réalisation - d'effroi - le son se propageant copie des ravages contigus alors que tu te débats comme un diable pour t’éloigner du cadavre. Vainement. Ta ceinture bloquée le karma te renvoi dans la tronche tes erreurs passées, l’eau filtre à travers les hublots explosés l’océan prêt à reprendre ses droits sur l’épave et emporter avec lui ce qu’il reste du vol 310. No fucking way, t’as pas survécu toutes ces années pour te laisser passivement happer dans un remake de Titanic version tube-des-airs « Il y’a quelqu’un ? » tu t’époumones dans un appel à l’aide que tu devines par avance stérile, partout où ton regard se pose les corps flottent sans vie et finiront bientôt rongés par l’abîme « Je suis coincée ! Quelqu’un m’entend ? S’il vous plait ! » supplications qui resteront sans réponse à mesure que les vagues gagnent du terrain, tu sens déjà le sel chatouiller tes égratignures, tout ton corps se tend et se contorsionne pour échapper à l’emprise, retenue fermement au siège tu hisses tes doigts vers tous les sacs que tu peux atteindre, renversant leur contenu pour y trouver ciseaux, lime à ongle, n’importe quel objet susceptible de te rendre ta liberté. Tu jures entre tes dents tirant comme une forcenée sur cette maudite ceinture « Saloperie ! » elle aussi se laisse fatalement submergée, l’eau grimpe encore d’un cran lorsqu’enfin tu vois une silhouette se mouvoir dans ta direction « Revenez je vous en supplie ! » t’as jamais espéré si fort qu’une présence se manifeste, toi la reine du système D te trouvant pour la première fois à court de solution, proie de la nature toute puissante que tu ne peux duper.